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30.08.2007
MAGBA: La peur après les arrestations post électorales
C’est un calme précaire qui règne à Magba depuis les évènements qui ont conduit à l’arrestation d’une quarantaine de militants de l’Udc.
Les élections couplées du 22 juillet avaient été suivies par une vague de violence dans le centre de Magba. Il ressort que des personnes identifiées comme des militants de l’Union démocratique du Cameroun avaient décidé de détruire les procès verbaux et d’en finir avec le sous-préfet et quelques membres de la commission communale. “ Après l’élection, nous étions en train de recevoir les procès verbaux. Nous en étions déjà à près de 70 % du travail qui nous attendait. A ce moment, la foule qui jusque là était calme et qui était rassemblée à l’esplanade de la sous-préfecture a commencé à s’agiter. J’ai pris des renseignements, on m’a dit que semble-t-il, le Rdpc a déjà une avance considérable sur l’Udc, une avance de presque 60% de suffrage exprimé. Nsangou Iliassou que je connais bien a fait irruption dans la salle de dépouillement. Il a intimé l’ordre au mandataire de l’Udc à la commission communale de sortir immédiatement. Il le lui a d’abord dit en bamoun et puis en français. Au moment où j’ai voulu appeler les forces de l’ordre pour le maîtriser, il a plongé sur la table et a ramassé les procès verbaux qui étaient en cours de dépouillement. Ils les a déchirés et a bousculé les membres qui étaient à coté de lui. L’adjoint au maire qui était par exemple le représentant de l’administration dans cette commission s’est retrouvé au sol. Subitement, les femmes, les enfants, les hommes âgés qui étaient dans la foule ont envahi la salle de dépouillement. Ils ont commencé à casser les urnes, déchirer les procès verbaux et casser tout ce qui se trouvait sur leur chemin. Les présidents des bureaux de vote et les membres de la commission se sont réfugiés dans mon bureau. Nous avons fermé la porte du secrétariat. Ils se sont rués sur la porte. Pendant qu’ils forçaient la porte de mon secrétariat, d’autres forçaient les issues extérieures de mon bureau. Ils sont entrés dans mon bureau, nous nous sommes réfugiés dans les toilettes. Nous avons fait le plein d’œuf dedans. Ils ont donné un coup de gourdin sur le bureau. Comme la table d’à côté contenait quelques aliments que les membres de la commission devaient manger en travaillant, ils ont tout mangé, ils ont bu. Ils ont vidé mes tiroirs, ils ont pris tous les archives de la sous préfecture qu’ils sont allés brûler dehors ”, explique Pierre Sozede, sous-préfet de Magba.
morceaux
Dieudonné Mbouen, président de la section Rdpc du Noun nord croit encore à un miracle. Pour lui, tout donnait l’impression que leur vie allait s’arrêter là. “ Nous avons passé une nuit inoubliable. C’est grâce à Dieu que nous sommes encore vivants, parce que nos agresseurs n’avaient pas l’air de s’amuser ”.
Les traces de violence sont encore perceptibles à la sous-préfecture. Les vitres de ce bâtiment administratif sont brisées. A l’angle droit, l’on retrouve encore des morceaux d’urnes et quelques procès verbaux qui ont échappé à la colère des flammes.
Selon le sous-préfet, l’objectif premier était de détruire tous les procès verbaux pour empêcher la proclamation des résultats. “L’ordre leur avait été donné de détruire tous les procès verbaux. Tous les présidents des bureaux de vote qui arrivaient entre temps étaient tabassés, les urnes étaient arrachées ainsi que les effets personnels de ceux-ci qui finissaient dans le feu. Je ne peux pas compter combien de sacs à main ont été arrachés, combien de paires de lunettes médicales ont été détruites ou encore combien de portables ont disparu ”.
Les assaillants auraient également réclamé les têtes de certaines personnes. “ Quand ils ont cru avoir détruit tous les procès verbaux, ils ont décidé d’en finir avec le sous-préfet et le chargé de mission Lipé Yacouba. Ils ont réclamé ma tête et celle de Lipé 3 heures durant ”, souligne Pierre Sozede.
Un membre de la commission ajoute par ailleurs que le sous-préfet et les membres de la commission ont failli être brûlés dans la salle. “ Quand ils ont réclamé la tête du sous-préfet et de Lipé en vain, ils ont décidé de mettre le feu à la sous-préfecture. Ils ont aspergé le carburant et nous avons compris que nous pouvions mourir calcinés dans la salle. Au moment où nous avons tenté de sortir, nos agresseurs ont reconnu Lipé qu’ils ont assommé à l’aide d’un gourdin. Il est tombé et a perdu connaissance. Ils ont cru que celui-ci est mort. Ils ont commencé à chercher le sous-préfet ”.
Les gendarmes appelés en renforts de Bafoussam sont arrivés et ont procédé à des arrestations. “ La plupart des personnes arrêtées étaient en pleine réunion. Elles s’apprêtaient à aller brûler quelques domiciles notamment celui de l’ancien député Adamou Limi qui venait de démissionner de l’Udc ”, relève un habitant de la ville.
Plusieurs personnes soupçonnées d’être impliquées dans les troubles seraient actuellement en fuite, à l’exemple de Simon Yaka, le candidat de l’Udc. Au total, une quarantaine de personnes seraient actuellement en détention à la prison de Foumban.
A Magba, les populations vivent dans la peur. Des militants de l’Udc que nous avons rencontrés refusent de parler. La sœur de Simon Yaka qui est un ancien député semblait décidée à se confier à nous. Après une concertation avec quelques membres de la famille, elle a décidé de ne rien dire. “ Nous ne pouvons rien vous dire tant que la maman n’est pas là ”, a-t-elle fini par dire.
L’ancien maire de la commune rurale de Magba, Limfop Innoussa, qui était en fuite a décidé de se rendre. Lorsque nous l’avons rencontré lundi dernier, il nous a dit que ce n’est pas le moment de parler. Deux jours plus tard, certaines informations faisaient état de ce qu’il ait aussi été conduit à Foumban.
Joint au téléphone, le responsable de la communication de l’Udc semble ne pas maîtriser la situation. Il demande plutôt de chercher à joindre Simon Yaka qui est porté disparu depuis le 23 juillet.
Aboubakar Mgbékoum
Le 24.08.07
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