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22.06.2012
Communication: L’aide aux medias privés embarrasse Tchiroma
Le ministre de la communication a rendu public hier mercredi un communiqué octroyant l’aide publique à la presse privée à des médias publics étrangers … avant de se rétracter en fin d’après-midi, sous la pression de sa hiérarchie.
Il est 16h22 minutes ce mercredi 20 juin 2012 lorsque le messager du ministre de la communication arrive à la rédaction de La Nouvelle Expression. Il est porteur d’une mise au point, signée du ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary. « Le Ministre de la Communication informe les partenaires nationaux et étrangers que le communiqué paru hier dans Cameroon Tribune (n°10 118/6319, page 30) n’était nullement relatif à l’attribution d’un appui spécial au titre de l’aide publique à la communication privée », peut-on y lire. Le texte a pour but, explique le messager ci-haut évoqué, de « clarifier les interprétations qui commençaient à être faites de ce document ». Mais aussi, ne l’avoue t-il pas, à calmer les pressions qui commençaient à s’abattre sur le Mincom. Par la décision n°32/Mincom/Cab du 18 juin 2012 à laquelle fait référence l’extrait ci-dessus mentionné, Issa Tchiroma Bakary, attribue en effet « un appui spécial au titre de l’aide publique à la communication privée, pour le compte de l’exercice budgétaire 2012 » a un certain nombre d’acteurs peu habituels et peu concernés, jusqu’ici, par cette dotation destinée en priorité à financer les médias locaux privés. Il s’agit notamment la Commission d’examen des demandes d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée, la société brésilienne de production CineVideo, France Télévision, British Broadcasting Corporation, et Japan Broadcasting Corporation. Le profil, le casting et l’opportunité de ces organes intriguent et laissent en effet pantois.
Gênant
Au ministère de la Communication, la publication de cette décision gêne et embarrasse. Plusieurs employés affirment en effet n’en avoir pris connaissance que le matin même, dans le journal, comme tout le monde. Des haut cadres du ministère se trouvent dans la même posture et peinent à répondre aux questions du reporter. Le Directeur des affaires juridiques, Jean Tobie Hond, par lequel passent toutes les décisions et autres documents de ce type, «refuse de parler à la presse privée ». De son côté, le Directeur du développement des médias privés et de la publicité, Janvier Mvoto Obounou, qui dirige par ailleurs la Commission d’examen des demandes d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée, fait dire, par ses secrétaires « qu’il ne reçoit pas », et ensuite «qu’il n’a rien à voir avec cette décision dont il a lui-même pris connaissance dans les journaux». Sa Commission est pourtant bénéficiaire de cet « appui spécial » dont le montant n’est même pas mentionné. Au sein même de la Commission, qui a théoriquement validé les dossiers adjudicataires de l’«appui spécial», certains membres affirment « n’avoir pas, entre eux, discuté de cela». Le ministre aurait-il donc joué en solitaire ? Plusieurs sources attestent qu’Issa Tchiroma aurait décidé «souverainement». Dans la mise au point qu’il fait, il se contente de ce justificatif laconique : «Le texte se rapportait à un classement interne, à l’intention de la hiérarchie, sur les structures étrangères ayant réalisé des reportages de bonne facture technique en faveur de l’image du Cameroun, au cours des deux dernières années».
Odeur de détournement
Peu convaincante, la « volte-face » du Mincom laisse en effet pendantes plusieurs incohérences. D’abord celle du casting. Les médias cités n’appartiennent pas à la presse privée – ils sont plutôt du service public - et ne sont pas camerounais. Ils ne sauraient donc émarger au compte de l’aide publique à la communication privée, elle-même insuffisante à satisfaire les 157 bénéficiaires de cette année. De plus, la Commission d’examen des demandes d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée serait-elle devenue un media ou une organisation professionnelle? Ou devrait-elle elle payée sur le budget qu’elle est censé répartir ? Il y a ensuite la question de l’opportunité. Avait-on besoin de puiser dans l’aide publique à la communication privée – un fond dédié au développement des médias locaux -, pour primer les bons services d’une presse étrangère ? Et de toutes façons, la pratique a jusqu’ici montré que pareille initiative relève du Cabinet civil de la présidence de la République et non pas du Mincom. De même, comment une note interne, ainsi que l’explique le ministre, a pu se retrouver dans le très officiel quotidien public Cameroon Tribune ? Si ce n’est de l’incompétence, il y a là matière à investiguer. Certains responsables du ministère, qui ont revendiqué l’anonymat, n’hésitent pas déjà à évoquer une «tentative de détournement stoppée net par la hiérarchie». Issa Tchiroma, quant à lui, est resté injoignable. Affaire à suivre.
Encadré
Décision n°32/Mincom/Cab du 18 juin 2012
Art. 1er : Les organisations et personnalités ci-après désignées reçoivent, pour compter de la date de signature de la présente décision, un appui spécial au titre de l’aide publique à la communication privée, pour le compte de l’exercice budgétaire 2012.
1-Commission d’examen des demandes d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée ;
2- Société brésilienne de production ciné vidéo ;
3-France Télévision
4-British Broadcasting Corporation ;
5- Japan Broadcasting Corporation.
Art. 2 : La présente décision sera enregistrée et publiée partout où besoin sera.
(é) Issa Tchiroma Bakary
Serge-Lionel Nnanga
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