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08.05.2007
CRASH DE L´AVION DE KENYA AIRWAYS: Aucun survivant à Mbanga - Pongo
Des dizaines de victimes du crash de l’avion de Kenya Airways ont été extraites hier. Alors qu’une première boîte noire de l’appareil était retrouvée en fin de journée.
"Il y a un corps là devant, Stéphane. " C’est Liliane Nyatcha, une consoeur de Stv, qui me donne l’information. Je m’approche. Et je suis saisi. Le bout d’un pantalon en lin bleu ciel. Et un boxer noir et blanc. Les restes d’un siège rouge. Je tremble littéralement. Serait-ce lui ? J’appelle ceux qui l’ont accompagné à l’aéroport vendredi soir. Ils confirment pour la tenue. C’est bien William Roger Nowokap, l’ami que j’avais dans l’avion de Kenya Airways. Le premier corps que je vois sur le lieu du drame est le sien. Avec les suffisants petits détails pour me dire : " Me voici, ne me laisse pas ".
On est à un jet de pierre de l’aéroport international de Douala. On peut d’ailleurs voir des avions volant à basse altitude qui vont s’y poser. Au fin fond de la mangrove, à Mbanga Pongo. Palétuviers et autres arbres ont été brûlés sur un périmètre proprement dévasté. Une odeur de carburant et de putréfaction flotte dans l’air et sèche les gorges. Des débris épars, partout dans cette sorte de clairière, renseignent sur l’ampleur du choc. Des hublots, un pied de chaussure, un sac de dame, une veste et des pièces métalliques de toutes sortes. Et bien sûr des débris humains. Il y en a qui sont immergés. Il faut sonder l’eau boueuse avec des bâtons.
La carlingue se trouve un peu plus loin dans le tréfonds de la forêt. Immergée elle aussi. Bientôt, une moto pompe arrive pour vider l’appareil. Pour se trouver ici, il a fallu marcher près de quarante minutes à partir du quartier général des interventions. Tant pis pour ceux qui n’ont pas les chaussures pour. A travers champs et en pataugeant dans la boue. Un gros travail a été fait pour ouvrir un chemin. Les sapeurs pompiers, aidés de nombreux secouristes du Samu et de jeunes volontaires, s’apprêtent à passer à l’œuvre. Des gants sont distribués. Des cache-nez aussi.
Les patrons crient des ordres et montrent bientôt l’exemple. Les premiers corps commencent à être extraits. Difficilement, tant le sol ou ce qui en tient lieu est glissant. L’odeur est insoutenable. Par pudeur, on ne peut décrire ces corps-là. Impossible, cependant, de ne pas dire que certains ne sont pas entiers. Il manque quelque chose à la plupart d’entre eux. Un sujet de race blanche est évacué. Il porte sur lui une pièce d’identité. Même un peu râleurs, les secouristes qui n’ont vraiment pas la tâche facile, prennent le sinueux chemin vers la base.
Moins d’une heure plus tôt, le procureur de la République est venu observer la scène et faire les premières constatations. Le Samu qui s’occupe des corps s’est installé à la sortie même de la forêt. Vers 13 heures, il y en avait déjà une vingtaine. Plus loin, le gouverneur de la province du Littoral, cartes en main, coordonne toute l’opération qui met à contribution outre les pompiers, la police, l’armée, la gendarmerie, le Samu et la Croix-Rouge notamment. Le soleil est atrocement impitoyable et l’eau à boire est très recherchée. Ça va durer sans doute plusieurs jours. Et jusqu’ici pas de traces du moindre survivant. Au moment où nous mettions sous presse, nous avons appris que les équipes de recherches avaient retrouvé une des boîtes noires du Boeing. De bon augure pour la suite de l’enquête.
Stéphane TCHAKAM
[08/05/2007]
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