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08.06.2011
Entretien avec Dr Komidor NJIMOLUH
L’Ambassadeur du Cameroun auprès de la République du Congo et de la République d’Angola a récemment séjourné à Yaoundé. A cette occasion, le Dr. Komidor NJIMOLUH est sorti de l’attitude de réserve qui caractérise les diplomates. Il s’est confié sur quelques sujets qui rentrent dans l’actualité nationale du Cameroun et de son département d’origine le Noun. Le choix du lieu célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun et la main tendue de l’UDC au RDPC constituent les principaux centres d’intérêt sur lesquels il s’est attardé. Cette interview a été réalisée quelques semaines avant la tenue à Brazzaville du Sommet des trois grands bassins forestiers tropicaux du monde. Un événement qui a vu la participation du Premier Ministre YANG Philémon comme Représentant du Président de la République du Cameroun.
Digne fils du Noun, vous êtes depuis l’année 2008, l’Ambassadeur du Extraordinaire et plénipotentiaire du Cameroun auprès de la République du Congo et de la République d’Angola avec résidence à Brazzaville. Comment se déroule votre mission diplomatique dans ces Etats d’Afrique et quelle est la nature des liens de coopération qu’ils entretiennent avec notre pays.
Ma mission se déroule très bien, particulièrement au Congo où je réside. Sur place, j’ai déjà eu la chance de recevoir à deux reprises la visite du Chef de l’Etat. C’est un très grand honneur pour un Ambassadeur, lors de son séjour dans un pays, d’y recevoir le Chef de l’Etat. Ces visites m’ont mis à l’épreuve de beaucoup de choses et tout s’est bien passé. C’était des occasions de renforcement de l’amitié entre les deux Chefs d’Etats et entre les deux peuples et de densification de la coopération entre les deux pays. Les deux Chefs d’Etats, notamment le Président de la République du Cameroun, son Excellence Paul BIYA, et le Président de la République du Congo, Son Excellence Dénis SASSOU NGUESSO, constituent aujourd’hui le couple moteur qui permet à l’Afrique Centrale d’évoluer pour pouvoir mettre en application les efforts d’intégration sous-régionale que tout le monde appelle de ses vœux.
Quels sont les axes de coopération entre le Cameroun et le Congo?
Nous avons beaucoup de choses en commun. Le courant des populations déjà, les facilités de circulation entre Camerounais et Congolais dans cet espace de vie. Beaucoup de Camerounais font bon commerce au Congo. Ils font concurrence sur place aux hommes d’affaires de l’Afrique de l’Ouest et même aux libanais. Sur le plan académique, des démarches sont en cours pour renouer et renforcer les échanges qui se passaient entre les Universités du Cameroun et l’Université Marien NGOUAMBI au Congo. Cette dynamique est en train d’évoluer avec une forte densité d’échanges des étudiants. Beaucoup de Congolais viennent étudier au Cameroun dans les Universités et les hautes institutions de l’enseignement supérieur. Il y a également que le couple Cameroun – Congo est un couple moteur de l’intégration sous-régionale. La consolidation de cette intégration fait appel à l’ensemble de tout ce que nous avons de commun pour indiquer le bon modèle, permettre à la sous-région d’être un cadre de coopération avancée sur le plan économique et humain et faire en sorte que l’unité africaine par étapes puisse être une réalité.
Le Congo et le Cameroun traduisent également leur coopération dans des multiples projets d’infrastructures dont les barrages hydroélectriques et les routes, notamment l’axe Yaoundé – Brazzaville qui est déjà lancé et dont les études et la mise en place des financements sont en cours de finalisation. Nous coopérons dans tous les domaines qui interpellent nos deux Etats et de manière la plus harmonieuse. C’est ce qui se passe actuellement avec la relance des relations diplomatiques avec la République du Congo où le Cameroun n’avait pas d’Ambassade pendant près de 20 ans. La haute décision du Chef de l’Etat d’y nommer un Ambassadeur procède d’une volonté réelle de redynamisation de la coopération entre les deux pays et de donner forme à l’intégration sous-régionale.
Et les relations diplomatiques avec l’Angola?
Avec l’Angola, j’attends de présenter mes lettres créances dans cet autre pays qui fait aussi partie de la Sous-région Afrique Centrale. L’Angola est en émergence grâce à la richesse pétrolière et à la paix retrouvée. C’est un pays avec lequel le Cameroun entend travailler de concert dans la Sous-région.
Depuis Brazzaville au Congo, vous êtes certainement attentif à la marche du Cameroun et plus particulièrement à celle du Département du Noun dont vous êtes originaire. Ce qui nous fonde à soumettre à votre appréciation quelques sujets citoyens et politiques qui y dominent l’actualité en commençant par la célébration cette année du cinquantenaire de la réunification du Cameroun. Des voix s’élèvent dans le Noun pour solliciter que les manifestations de cet événement majeur soient, en présence du Chef de l’Etat, organisées dans la ville de Foumban qui a particulièrement contribué à la mise en place de ce repère historique à travers la conférence qu’elle a abrité en Juillet 1961.
Par ailleurs, les forces vives du Sud – Ouest ne cachent pas leur ambition d’accueillir le Président de la République à Buea pour cette même commémoration. Quel regard portez-vous sur ces appels ?
Je suis élite du Noun et cela ne peut vous étonner que je puisse être de ceux qui souhaiteraient ardemment que le Chef de l’Etat fasse le déplacement dans le Noun à cette occasion. Evidemment, toutes les élites des régions données, celles de Buea y compris, souhaitent légitimement que le Président de la République qui est une grande figure du Cameroun et de l’Afrique puisse à tout moment visiter leurs contrées. Tout le monde souhaite cela et les populations du Noun avec moi-même, nous souhaitons vivement que le Chef de l’Etat vienne à Foumban. A cet effet, l’occasion que nous donne la célébration du cinquantenaire de la Réunification est d’or.
C’est une belle opportunité pour la communauté du Noun d’émettre avec insistance le vœu que le Président Paul BIYA foule le sol de Foumban, le lieu où s’est scellé réellement le pacte de la réunification du Cameroun. Je ne peux pas croire que cela puisse être oublié dans les plus hautes instances de notre pays. Je suis certain que quelque part autour du Chef de l’Etat, on pense qu’il faudra faire quelque chose à Foumban. Est-ce que ce sera, le cas échéant, le lieu unique de la célébration? J’en doute. S’agira –t-il d’y élever un monument de la réunification ? L’évolution des faits nous fixera bientôt. Mais en attendant, je suis certain que le Chef de l’Etat n’oubliera pas Foumban à cette occasion.
Que pensez-vous de l’appel du sud–Ouest?
Il est tout aussi légitime que le Sud - Ouest réclame la présence du Chef de l’Etat à Buea pour la célébration du cinquantenaire de la réunification, après la célébration à Bamenda du cinquantenaire des forces armées camerounaises. C’est au niveau politique de décider. Mais seulement, l’ancrage historique ne doit pas être perdu de vue. Foumban est cet ancrage historique.
Quelles pourraient être les retombées de la venue du Chef de l’Etat à Foumban pour la célébration d’un tel moment?
C’est une chance pour nous que cela se fasse. Les retombées seront multiples. Le Chef de l’Etat se rendra compte sur place que les populations du Noun sont réellement avec lui. C’est déjà quelque chose d’extraordinaire. Au- delà de cela, l’harmonie et l’entente restaurées au sein de l’élite locale permettront une visibilité politique beaucoup plus claire de manière à ce que le Noun puisse gagner sur le plan des infrastructures économiques et sociales pour lesquelles ce département est resté en retard pendant deux décennies d’incompréhension de la politique générale du pays. La venue du Chef de l’Etat dans le Noun sera le déclencheur d’un réveil et d’une renaissance totale. Sa présence sera un levain total et actif pour permettre à la communauté locale de confirmer la vision réelle et claire qu’elle a désormais de la scène politique et citoyenne nationale. Il est évident que les populations du Noun et plus particulièrement les Bamoun ne sont plus aveugles, elles voient désormais juste et savent que leurs intérêts ainsi que ceux de leur département se trouvent dans le respect des institutions et le soutien qu’elles doivent apporter au Président Paul BIYA.
Toujours dans l’actualité récente, l’Union Démocratique du Cameroun qui est un parti d’opposition dont le Noun constitue le fief a récemment tenu sa Convention simultanément avec la célébration de son 20ème Anniversaire. Entre autres résolutions de cette assise, le Bureau Politique de l’UDC a donné quitus à son Président, le Dr. Adamou NDAM NJOYA, pour négocier toute alliance de gouvernement. Quel commentaire faites – vous de cette conclusion que d’aucuns interprètent comme une main tendue de l’UDC au RDPC, votre parti ?
(Rires). Excusez – moi de sourire avant de vous répondre. La politique a une dimension stratégique et une dimension éthique. Les deux dimensions ne doivent pas être oubliées. La dimension stratégique de la politique veut qu’on s’y engage à la fois pour soi même, au nom d’une idéologie et au nom d’une collectivité. La dimension éthique repose sur la question de savoir ce que cet engagement peut apporter à la collectivité pour laquelle on prétend œuvrer. Venons – en au concret. Vous m’apprenez que la convention de l’UDC a permis à son leader de négocier une alliance avec le Gouvernement. Mais ce que vous ignorez, c’est que j’ai été le premier personnage du pouvoir à être désigné pour approcher le leader de l’UDC et l’inviter à intégrer le Gouvernement.
A cette époque la stratégie politique du régime visait à faire entrer dans la majorité des figures de l’opposition dont MAIGARI BELLO Bouba et Adamou NDAM NJOYA.J’avais donc approché NDAM NJOYA et ce dernier m’avait donné sa parole.Il avait désigné l’un de ses bras droits de l’époque, le Prince NJIMOLUH NJANKOUO Zounédou, pour aller tout négocier en ses lieux et places et prendre les engagements conséquents. Ce dernier avait été reçu à la Présidence et tout allait pour le mieux quand, quelques semaines après, le leader de l’UDC m’a appelé pour me dire qu’il avait décidé de tout arrêter. Je ne m’étonne pas de ce qu’aujourd’hui, il demande à revernir, car entre temps beaucoup d’eau aura coulé sous le pont du Noun. Il est clair que tous les efforts du leader de l’UDC de faire de son parti, un parti national, sont restés vains. Tous ses efforts d’élever l’UDC au niveau d’un parti leader et gagnant sur le plan national ont échoués.
Aujourd’hui beaucoup d’intellectuels, de lieutenants et de militants de proues de l’UDC non originaires du Noun ont pris la tangente. Même dans le Noun qui a été jusque là son bastion, l’UDC a considérablement perdu du terrain. Ses militants et ses cadres ont démissionné en cascade pour regagner les rangs du RDPC. Le temps a joué contre lui tout comme sa gestion infructueuse des communes et des sièges parlementaires dans le Noun. L’image des carrés dégarnis que ce parti a présentés à Foumban, Foumbot et Koutaba contre une forte mobilisation dans le rangs du RDPC lors de la dernière édition de la fête nationale de l’unité en est un vibrant témoignage et un signal assez fort. C’est le dos contre le mur que NDAM NJOYA demande aujourd’hui à négocier alors que le moment ne s’y prête plus. Il aurait dû depuis longtemps jouer le jeu de l’alliance sans se laisser dépasser par les paramètres. Il s’est aperçu avec trop de retard qu’il faut changer de tactique.
Est-ce à dire que sous votre angle d’analyse, l’UDC n’a plus rien à apporter au RDPC?
C’est évident. La preuve en est que c’est NDAM NJOYA qui demande avec insistance à négocier avec le RDPC. C’est lui qui tend la main au RDPC, ce n’est pas le RDPC lui tend la sienne. La victoire du Président Paul BIYA à la présidentielle de 2011 est déjà un acquis au regard des indicateurs objectifs qui s’affichent sur la scène nationale. La Président National du RDPC a beaucoup fait pour le maintien de la paix au Cameroun, l’avancement de la démocratie et le développement social et économique qui se concrétise à travers des grands projets. Les Camerounais dans leur plus large majorité lui sont reconnaissants pour ses réalisations et s’apprêtent à voter massivement pour lui.
De son côté, Adamou NDAM NJOYA qui souhaite s’allier au RDPC, affiche dans le Noun qui a été jusque là son fief et d’où il n’a pas pu sortir, un bilan négatif qui l’éloigne de plus en plus des populations et réduit sa possibilité d’y demeurer leader. Avec son parti à la tête des communes, il n’a rien apporté de significatif aux masses. Il n’a non plus su composer à temps avec le pouvoir pour assouvir l’intérêt de ses partisans qui l’ont quitté en grande partie et qui continuent de lui claquer la porte. Avec ces développements, le leader de l’UDC devrait attendre que l’on découvre ensemble ce que nous réserve l’élection présidentielle. On a l’impression qu’il cherche les moyens de maquiller sa chute.
Propos recueillis par
Alexis MOULIOM NJIVAH et Azize MBOHOU
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