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29.11.2006
MAMA Foupouagnigni : “ Rendre nos élèves professeurs aptes à la rédaction des manuels scolaires"
29.11.2006
Il est le premier Camerounais à être reçu à ce grade dans une université allemande.
L’Université allemande de Kassel vient de produire, pour la première fois de son histoire, un agrégé de mathématiques d’origine africaine. Il s’agit du Camerounais Mama Foupouagnigni, boursier de la fondation Alexander Von Humboldt, la plus prestigieuse bourse en Allemagne et même dans le monde entier, apprend-on. Dans cet entretien, le lauréat, de retour au pays natal depuis peu, lève un pan de voile sur ce “ fascinant travail académique ”, selon l’ambassadeur d’Allemagne au Cameroun, Volker Seitz, qui a organisé à Yaoundé le 7 novembre dernier, un cocktail en l’honneur de ce “ brillant ” mathématicien que les invités ont comparé volontiers à Albert Einstein. Mama Foupouagnigni, marié et père de quatre (4) enfants, garde pourtant la tête sur ses épaules.
Quel est l`intitulé exact de votre thèse d`agrégation et quel en est le contenu ?
Le titre de ma thèse d’agrégation est : “ On difference and differential equations for modifications of classical orthogonal polynomials ”. La traduction en Français : “ sur les équations aux différences et les équations différentielles satisfaites par les modifications des polynômes orthogonaux classiques ”. Dans cette thèse rédigée sous la supervision du Professeur Wolfram Koepf de l’Université de Kassel, nous montrons que si nous perturbons d’une façon particulière les coefficients de récurrence d’une famille de polynômes orthogonaux classiques sur les réseaux non uniformes, alors, chaque membre de la nouvelle famille de polynômes orthogonaux obtenue satisfait une équation aux différences de degré 4, linéaire, homogène et à coefficients polynomiaux. Nous trouvons de façon générale les quatre (4) solutions de telles équations et proposons entre autres une méthode générale de résolution des équations aux différences linéaires et à coefficients rationnels sur les réseaux non uniformes. Pour finir, nous établissons un certain nombre de relations entre les polynômes orthogonaux de Racah, de Wilson, de Askey-Wilson et leurs associés et déduisons des sous-familles des polynômes pour lesquelles le premier associé reste classique au lieu d’appartenir à la classe de Laguerre-Hahn comme le veut la théorie générale.
Est-ce une découverte ? Si oui quelle est sa place dans le développement des mathématiques aujourd`hui ?
Ce sont des résultats nouveaux. Ils permettent l’étude des propriétés des polynômes orthogonaux sur les réseaux non uniformes et aussi la résolution des équations aux différences linéaires et à coefficients rationnels sur les réseaux non uniformes. En plus des applications de ces résultats en analyse numérique et dans d’autres domaines de la science, signalons un cas concret : l’algorithme de résolution des équations aux différences linéaires et à coefficients rationnels sur les réseaux non uniformes obtenu dans le cadre de cette agrégation va être implémenté dans les logiciels de calculs symboliques tels que Maple et Mathematica afin d’augmenter leurs capacités de résolution des équations au différences. Pour finir, signalons que les propriétés des opérateurs aux différences obtenues permettront de jeter les bases de la théorie des formes linéaires sur l’espace des polynômes à variable discrète sur les réseaux non uniformes.
A quoi peut servir une telle invention dans la vie des êtres humains ?
Pour commencer, rappelons que les mathématiques sont définies par le dictionnaire Larousse comme “ Science qui étudie par le moyen du raisonnement déductif les propriétés d’êtres abstraits (nombres, figures géométriques, fonctions, espaces...) ainsi que les relations qui s’établissent entre eux ”. Ainsi, les mathématiques très souvent servent à fabriquer les outils très importants pour d’autres sciences. Ce travail, qui est une contribution significative au développement des sciences mathématiques, servira à d’autres sciences qui, elles, auront un impact direct sur la vie de l’homme. A titre d’exemple, nous pouvons signaler que les polynômes orthogonaux jouent un rôle déterminant en sciences de l’ingénieur et en imagerie médicale. Pour terminer, je dirai que de façon générale, le développement des sciences fondamentales entraîne celui des sciences appliquées qui elles ont un impact direct sur le développement et donc sur la vie de l’homme ; les trains à grande vitesse (allant au-delà de 250 km/h), l’avion airbus A380 en construction (devant transporter plus d’un demi millier de passagers) et les progrès de l’imagerie médicale avec ses conséquences sur la santé sont des exemples d’application des sciences fondamentales.
Dans quelles conditions et avec quels moyens avez-vous réalisé cette thèse ?
Cette thèse a été réalisée de 2003 à 2006 entre le Cameroun, l’Allemagne et l’Italie. Disons qu’après le séjour post doctoral à l’Université de Kassel en Allemagne de août 2001 à novembre 2002, j’ai séjourné trois fois en Allemagne (Kassel) et en Italie (Trieste) en 2003 (3 mois), 2005 (6 mois) et 2006 (3 mois) pour la préparation de cette thèse. Ce travail a été financé par mon salaire et aussi par les bourses de la Fondation Alexander von Humboldt (Bonn, Allemagne), le don important de matériel informatique et bureautique de Fondation Alexander von Humboldt au département de Mathématiques de l’Ens en 2004 faisant suite à ma bourse Humboldt ; les bourses de “ The Abdus Salam International Centre for Theoretical Physics (Ictp, Trieste, Italie) ; la bourse de livres de l’Ictp (2001-2006) ; la bourse Fuaff 2004 de l’Université de Yaoundé I ; la bourse de mobilité du Minesup en 2005.
Quelles sont vos perspectives dans le domaine de la recherche.
Je souhaiterais dans un premier temps continuer la recherche en mathématiques fondamentales afin de développer un certain nombre d’idées et de convictions fortes qui m’habitent en ce moment. Je voudrais créer, équiper et faire fonctionner un laboratoire de recherche en “ Fonctions Spéciales, Théorie de l’approximation, Calcul symbolique et en Didactique des Mathématiques ” qui me permettra de créer davantage d’opportunités à nos étudiants en mathématiques et de former des docteurs dans mon domaine de recherche pour la relève, afin de contribuer davantage au rayonnement du Cameroun sur le plan international dans les domaines des mathématiques. Une autre perspective, et pas des moindres est de consacrer une partie de mon temps pour faire de la recherche en didactique des mathématiques et à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement et la recherche en mathématiques. Ceci permettra entre autres d’améliorer les méthodes d’enseignement des mathématiques au Cameroun – démocratiser les mathématiques – et à rendre nos élèves professeurs beaucoup plus aptes à la rédaction des manuels scolaires en mathématiques.
Quel est le sentiment qui vous anime lorsque vous réalisez que vous êtes le premier Africain à devenir agrégé de mathématiques à l`Université allemande de Kassel ?
Je suis bien content d’avoir changé les habitudes dans cette partie de l’Allemagne. Cela me donne une motivation supplémentaire pour travailler davantage. Ce travail a été rendu possible grâce à la contribution d’un certain nombre de personnes et d’organismes. Je voudrais ici remercier La Fondation allemande Alexander von Humboldt et l’Ambassade d’Allemagne au Cameroun, la Fondation Italienne Ictp, le ministère de l’Enseignement supérieur, l’Université de Yaoundé I, le département de Mathématiques de l’Ecole normale supérieure, ma famille et mes amis pour leurs apports divers. Il me plait ici de rendre un vibrant hommage à mon épouse Adjara Foupouagnigni en particulier, et aux épouses des chercheurs en général, pour l’effort qu’elles fournissent pour soutenir leurs époux pendant la difficile et délicate période de réalisation de travaux scientifiques. Qu’elles trouvent en ces efforts leur contribution pour le développement de ce patrimoine de l’humanité qu’est la science.
De façon sommaire, quel est votre parcours ?
Mon parcours peut être résumé comme suit : Ecole primaire à l’Ecole publique de Njintout à Foumban de 1974 à 1980 ; Lycée Sultant Ibrahim Njoya de Foumban 1980-1988 ; avec le bac C obtenu en juin 1988 ; 1989-1994 : premier et second cycle de mathématiques à l’Ecole normale supérieure en parallèle avec les cours de Licence et de Maîtrise en Faculté de Sciences de l’Université de Yaoundé. Diplômes obtenus : Dipes I (diplôme de Professeur de l’enseignement secondaire, premier grade) en Mathématiques en 1992, Licence de Mathématiques en 1992, Maîtrise de mathématiques en 1993, Dipes II en 1994 ; De 1994 à 1998, j’ai étudié à l’aide de la bourse allemande Daad à l’Institut de mathématiques et de Sciences Physiques de l’Université nationale du Bénin, en république du Bénin. Ce séjour a été marqué par l’obtention d’un DEA en Physique Mathématiques en 1995, un séjour de recherche au centre Konrad-Zuse-Zentrum de l’Université Libre de Berlin en Allemagne de septembre 1997 à février 1998 et l’obtention d’un Doctorat unique en physique mathématique en décembre 1998 sous la direction des Professeurs Hounkonnou du Bénin et Ronveaux de Namur en Belgique. En janvier 1999, je retourne au Cameroun et suis recruté au département de mathématiques de l’Ens où j’ai enseigné pendant deux ans avant de repartir pour l’Allemagne en août 2001 pour le séjour post-doctoral. De novembre 2002 à ce jour, j’ai enseigné au département de Mathématiques de l’Ens avec trois séjours en Allemagne et en Italie pour la préparation de l’agrégation que j’ai soutenue le 30 juin 2006.
Par Réalisé par Marie-Noëlle Guichi
camerounlink :lien suplementaire
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