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03.11.2009
49 ans après son assassinat: Le combat de Félix Roland Moumié toujours d’actualité
Assassiné le 3 novembre 1960 à Genève, en Suisse, l’ancien président de l’Union des populations du Cameroun (Upc) combattait farouchement le colonialisme et le néocolonialisme que les évêques africains viennent de dénoncer au deuxième synode africain de Rome.
Surnommé le Lumumba camerounais, Félix Roland Moumié est encore plus vivant lorsque l’on parcourt certaines propositions faites par les 240 pères synodaux dont 197 évêques africains, lors de la deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques qui s’est déroulée du 4 au 25 octobre 2009 à Rome sur le thème : « L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix (…) Vous êtes le sel de la terre (...)Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13-14) ».
Le second synode des évêques africains a, en quelque sorte, ressuscité Félix Roland Moumié; à travers la condamnation du néocolonialisme qui se manifeste sur le continent africain à travers des actions d’exploitation, de spoliation des ressources naturelles et de des produits commerciaux du Cameroun et des autres des pays d’Afrique par des puissances étrangères, avec la complicité des dirigeants africains.
Les évêques réhabilitent Moumié
Parmi les 57 propositions de la liste finale du synode, les évêques dénoncent en effet l’exploitation anarchique des ressources naturelles africaines par des multinationales, notamment le bois, le pétrole et l’ensemble des minerais du sous-sol africain. Une exploitation qui ne profite pas aux peuples africains de plus en plus pauvres, analphabètes, en chômage et en proie aux nombreuses maladies dont le vih/sida, le paludisme et la tuberculose. Le synode constate que « certaines multinationales exploitent les ressources naturelles des pays d’Afrique souvent sans une contre partie significative pour les populations, ni respect de l’environnement, avec la complicité de plusieurs privilégiés locaux ». Les évêques africains ont particulièrement dénoncé les puissances étrangères et les dirigeants locaux africains qui participent au pillage des ressources du continent, plongent les pays africains dans la corruption et la mauvaise gouvernance.
L’Eglise demande aux gouvernements africains d’être plus prudents dans la demande de concessions et d’emprunts de telle sorte qu’ils n’endettent plus leurs peuples.
L’Eglise souhaite que les dirigeants africains prennent des mesures adéquates pour remédier à la pauvreté et développer des politiques qui garantissent l’autosuffisance alimentaire. L’Eglise dénonce le fait que le développement économique et humain en Afrique ne soit pas « respectueux des cultures locales et de l’environnement ».
Le synode propose de poser le problème du système économique qui continue à marginaliser l’Afrique. Pour le pape Benoît XVI, la mondialisation ne doit exclure aucun peuple. La mondialisation doit puiser dans la doctrine sociale de l’Eglise et « sa vision de l’homme et de la société », a souligné le souverain pontife. Le Saint père a rappelé l’importance de « la solidarité » entre et au sein des communautés. L’Eglise doit poursuivre son engagement « avec tous les moyens possibles pour qu’aucun Africain ne soit privé de pain(…) Tous doivent pouvoir conduire une existence digne de l’être humain » ? a précisé Benoît XVI. Le synode a pu établir « qu’il existe un lien étroit entre l’exploitation des ressources naturelles, le trafic des armes et l’insécurité entretenue » par ceux qui exploitent les ressources du continent africain au détriment de son développement, de sa sécurité et de la paix qui devrait y régner.
Empoisonné au thallium dans un restaurant genevois le 15 octobre 1960 par William Bechtel, un agent des services secrets français, Félix Moumié meurt le 3 novembre 1960. Le président de l‘Union des populations du Cameroun (Upc) était perçu par ses ennemis occidentaux comme un cryptocommuniste, un élément dangereux à surveiller de prêt dans un contexte de guerre froide. Car; il était réputé très efficace dans l’activisme politique et le lobbying auprès des grand s dirigeants du Tiers-monde qu’il fréquentait assidûment. La France du général Charles Gaulle était persuadée que c’est au Cameroun que se gagnerait la guerre froide. Tout comme c’est au Cameroun que s’était organisée la libération de la France pendant la seconde guerre mondiale, avec l’arrivée à Douala d’un certain officier supérieur nommé Leclerc promu plus tard général.
Célèbre combattant de l’indépendance et de la Réunification du Cameroun au même titre que Ruben Um Nyobé, Ernest Ouandié, Ossendé Afana et Abel Kingué, Félix Roland Moumié était un nationaliste intransigeant. Anti-impérialiste et opposant farouche des puissances coloniales au premier rang desquels la France, Félix Moumié était un révolutionnaire résolument engagé dans la lutte de libération nationale. Il pourfendait le colonialisme et le néocolonialisme qui sévissent encore dans notre pays et dans la plupart des pays du continent africain.
Lumumba et Moumié, même destin
Après l’assassinat du président Moumié, sa dépouille avait été transférée à Conakry, en Guinée où il avait établi son quartier général de l’exil avec la bénédiction du président Sékou Touré. Ses restes avaient été embaumés et déposés dans un sarcophage.
Marthe Moumié, son épouse récemment assassinée au Cameroun dans des circonstances troublantes, avaient effectué son dernier voyage à Conakry il ya quelques années. Elle avait découvert que la tombe de Félix Moumié avait été profanée par « des inconnus »: Le cercueil et la dépouille embaumée de son époux assassiné avaient disparu. Le film documentaire intitulé « L’assassinat de Félix Moumié – l’Afrique sous contrôle » du réalisateur suisse Frank Garbely montre bien, à cet instant précis, dans le cimetière de Conakry; l’intensité de la douleur d’une veuve de nationaliste qui pleure. Non plus seulement pour la disparition de son martyr de mari, mais pour la jeunesse africaine qui ne pourra plus voir la tombe de Félix Roland Moumié dont le contenu s’est évanoui dans la nature. Comme la dépouille dissoute dans l’acide de son ami congolais Patrice-Emery Lumumba qui fut assassiné le 17 janvier 1961 dans le fief de Moïse Tshombe, son ennemi du Katanga.
La Belgique, qui avait reconnu plus tard sa responsabilité dans l’assassinat de Patrice Lumumba, avait présenté ses « excuses » et ses « profonds et sincères regrets » au peuple congolais. La France n’a jamais reconnu sa responsabilité dans l’assassinat de Félix Roland Moumié, ni dans ceux des autres martyrs de l’indépendance du Cameroun.
Félix Roland Moumié ne connaît donc pas encore le repos qu’il mérite sur le sol camerounais qui l’a vu naître, pour lequel il s’est battu, a sacrifié sa carrière de médecin et sa vie. Malgré toutes les démarches entreprises de son vivant pour remplir une promesse faite à son défunt époux, Marthe Moumié va buter sur le silence, l’indifférence et des fausses promesses du gouvernement. Les autorités n’ont pas permis que les restes de Félix Roland Moumié soient enterrés au pays natal. L’histoire jugera.
Écrit par Edmond Kamguia K.
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