Monsieur le Directeur Général, dans son message de fin d’année le président de la république a annoncé l’entrée en service de plusieurs ouvrages dans le secteur de l’électricité, et quelques jours plus tard’ l’usine de pied de Lom Pangar est opérationnelle. Est-ce à dire que le message du Chef de l’Etat a été le déclic ?
Lorsque nous avons suivi le message du président le 31 dernier, nous étions heureux, parce que d’après les très hautes instructions du Chef de l’Etat, nous avions tout mis en œuvre pour qu’avant fin 2023, l’usine de Lom Pangar soit opérationnelle. Et lorsque le président de la république a dit dans son message que cet ouvrage sera opérationnel en 2024, nous savions qu’il parlait du 4ème groupe, puisque sur les trois autres groupes, nous étions en pleins essais. C’est pour cela qu’en réponse aux instructions présidentielles contenues dans ce message, nous sommes heureux d’annoncer qu’effectivement, trois groupes de Lom Pangar sont déjà opérationnels et permettent de couvrir la totalité de la demande de la région de l’Est. C´est-à-dire Bertoua, Batouri et Abong-Mbang, et tout ce qui suit. Lé 4e groupe servira d’appoint pour permettre de couvrir les grands comptes.
A quoi cette couverture totale renvoie-t-elle, en termes chiffrés ?
La demande de Bertoua est de l’ordre de 10MW, Batouri c’est environ 2MW, auxquels on ajoute les 2MW d’Abong-Mbang et environs. Donc la demande totale est de l’ordre de 14MW en base, et peut atteindre 18MW à la pointe. C’est donc dire que cette demande est totalement ouverte, car l’usine de pied a une capacité de 30MW. Mais quand nous faisons une projection sur l’évolution de la demande, on est conscient de ce que dans les cinq années à venir, cette usine offrira sa pleine capacité et sera suffisante pour couvrir l’ensemble de la région, tant les ménages que les unités de production.
Vous dites bien suffisante et pas dépassée ?
Oui, suffisante. En matière d’énergie, il faut toujours anticiper par rapport à l’évolution de la demande. Et nous sommes dans un système où l’offre crée la demande. En effet, du fait qu’il y a l’usine maintenant, les industries vont s’installer et la demande va exploser. Pour résoudre cette question, nous anticipons sur les besoins des forestiers qui jusqu’ici, utilisent du gasoil à prix fort pour être autonome en énergie électrique. Ils vont être intéressés par l’énergie hydroélectrique. Nous sommes d’ailleurs en pourparlers très avancés avec certains d’entre eux pour voir quelle est la portion de l’énergie hydroélectrique qu’on pourra mettre à leur disposition, en privilégiant le secteur public. C’est pour cela que nous travaillons actuellement, sur financements Banque Mondiale, sur ce que nous appelons le solaire flottant, c´est-à-dire le couplage de l’hydroélectrique à partir de l’usine de pied, et le solaire grâce à des panneaux à installer dans la retenue de Lom Pangar. Tout ceci permettra de booster complètement l’économie de la région de l’Est, y compris les zones comme Bétéra Oya qui ne pourront pas être couvertes par l’usine.
Quel est l’impact de l’entrée en fonction de l’usine de pied de Lom Pangar sur l’interconnexion entre les réseaux Sud et Est, en application depuis un peu plus d’un an ?
L’usine de Lom Pangar va fluidifier cette interconnexion, parce que jusqu’ici, on enregistrait beaucoup d’insuffisances. En effet, à partir du poste de Mampang par Abong-Mbang, on envoyait l’énergie jusqu’à Bertoua. Cette énergie était extrêmement instable, avec énormément de coupures, beaucoup de chutes de tensions, parce que la ligne 30 KV entre Abong-Mbang et Bertoua est très instable, du fait des chutes des poteaux bois. Et malgré tous les efforts d’Eneo, cette ligne ne tient pas. L’avantage aujourd’hui avec la mise en service de l’usine de pied de Lom Pangar est que nous avons une énergie plus stable qui permet de garantir aux populations de l’Est une meilleure disponibilité du courant électrique. Comme la retenue de Lom Pangar fonctionne au rythme du cycle de remplissage et du cycle de vidange, il y aura des périodes où la quantité de l’énergie en provenance de Lom Pangar pourrait être faible. A ce moment, l’énergie venant du réseau interconnecté Sud (RIS) pourrait suppléer. Mais à l’heure actuelle, c’est Lom Pangar qui envoie l’énergie sur le RIS. l y a donc une complémentarité entre les deux réseaux D’ailleurs, au vu des derniers essais, Eneo a décidé de privilégier l’usine de Lom Pangar pour alimenter Abong-Mbang.
Monsieur le Directeur général, à côté de l´usine de pied, il était également prévu l´électrification de 150 villages dans la région de l´Est. Où en sont les travaux ?
La très haute hiérarchie m’a fait savoir que, tant que le dernier ménage de la région de l’Est n’aura pas l’électricité, cela voudra dire que je n’ai rien fait. J’ai pris cela comme une très haute instruction et nous sommes en train de nous battre pour atteindre cet objectif. Actuellement, le projet d’électrification de 150 villages est très avancé. Deux entreprises, tunisienne et marocaine, ont gagné les marchés. Au niveau des approvisionnements, les poteaux métalliques sont déjà en cours d’implantation, notamment sur la ligne Messamena à partir d’Abong-Mbang. Les appareils du style transformateurs, disjoncteurs, sont déjà livrés, et nous avons un calendrier de mise en réseau de ces villages. On pense que les premiers pourraient être électrifiés à partir de mars-avril et tout solder vers septembre-octobre. Ça veut dire que lorsque le président de la République dit qu’en 2024 on boucle le projet usine de Lom Pangar et l’électrification de l’Est, il pensait à tout cela. C’est pour cela que notre chalenge est de répondre complètement à la demande du chef de ’Etat pour que, avant la fin de ’année, tous les villages de l’Est soient électrifiés et qu’ils bénéficient de l’énergie de l’usine de pied que nous allons coupler au solaire flottant.
Quand on sait qu’en milieu rural, la bourse des ménages est généralement faible, quelles dispositions avez-vous prises pour leur permettre d’avoir facilement accès à cette électricité ?
Nous avons la chance d’avoir bénéficié d’un financement de la Banque africaine de développement (BAD) va le Projet de renforcement et d´extension des réseaux électriques de transport et de distribution (Preretd), à travers lequel nous avons électrifié près de 500 villages dans huit régions du pays. La particularité de ce projet destiné aux ménages à faibles revenus, c’est que nous avons fait ce que personne n’avait fait avant, c’est-à-dire des branchements gratuits, avec des compteurs gratuits. Ça permet que lorsque le villageois a déjà son compteur, il ne paie que ce qu’on appelle l’avance sur consommation, en fonction du niveau de sa bourse. Nous étendrons cette initiative à l’Est et la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) nous assiste dans cette opération. L’usine de pied de Lom Pangar va donc non seulement faire tourner les industries dans la région de l’Est, mais également permettre au petit villageois qui n’a pas de gros moyens, d’avoir accès à l’électricité. C’est une révolution par rapport à l’un des objectifs du président de la République qui est d’augmenter le taux d’accès à l’électricité des populations es plus défavorisées. Et c’est le rôle de EDC qui se retrouve, après le décret de mai 2020, d’être pas seulement entrain de régler les problèmes de production, mais aussi ceux du transport et de la distribution.
Propos recueillis par Jocelyne NDOUYOU-MOULIOM.
Cameroon-Tribune du 11 Janvier 2024 [Focus Economie]
