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04.03.2023
Poùre le mouton noir des Njoya (Roman), Douala, Édition Africavenir,2021,176 pages.[Une note de lect
[Une note de lecture du Pr Emmanuel MATATEYOU]
Poùre le mouton noir des Njoya, est un roman fascinant qui attire l’attention du lecteur par la présence dans le titre de l’adjectif noir accolé au mouton, un animal qui habituellement a la couleur blanche. Dans ce paratexte, l’autrice annonce les couleurs de ce que le lecteur découvrira au fil des pages de cet excitant récit où on est tantôt transporté dans les nuages de l’eldorado fantasmé en Amérique et parfois dans des zones de turbulence à Menké ou Yaoundé.
L’histoire qui nous est contée dans une langue châtiée révèle une jeune femme qui veut s’assurer pleinement en vertu des potentialités intellectuelles qu’elle possède. Les traditions séculaires qui ont formaté le destin des jeunes filles dans les communautés de Poùre Njoya ont la peau dure. Elle doit se battre pour se libérer effectivement et c’est à ce combat que Viviane Moluh Peyou nous convie ; le spectacle en vaut la peine.
Avec délicatesse et dans un style souple, l’autrice nous présente à l’entrée l’héroïne qui est aux prises avec ses géniteurs relativement à son mariage avec Nil. On apprend qu’elle veut continuer ses études et a comme objectif d’aller à la NASA aux États-Unis où elle pense être plus utile. C’est un projet révolutionnaire et dérangeant pour tout le monde.
Pour Nil Moun, époux de la brave Poùre Njoya, c’est une grande déception et il va malgré tout faire preuve de compréhension et soutiendra sa dulcinée dans son projet.
Pour Odette Moun, belle-mère de l’héroïne, cette initiative est contradictoire aux us et coutumes de leur communauté.
M. Njoya, père de l’héroïne, est frustré par la répétition de la naissance dans son ménage des filles, car l’imagerie populaire considère celui qui n’accouche que des filles comme un homme stérile. C’est la raison pour laquelle tout son courroux est déversé sur son épouse qui est considérée comme étant à l’origine de son adversité.
Luh Njoya, arrivera en rescousse comme un adjuvant qui va soutenir l’héroïne dans sa quête… Elle va jouer comme dans toutes les familles le rôle de l’aînée, de la protectrice. C’est elle qui par sa présence et sa posture de femme éclatée, va aider sa cadette à parfaire son travail révolutionnaire de femme émancipée.
Le roman connaît un moment de climax avec l’entrée en scène de Marilyn Oneil, Professeur de physique qui travaille à la NASA aux États-Unis et qui va faire tout ce qui est en son pouvoir pour que l’héroïne soit en phase avec ses ambitions.
Au total, c’est un roman palpitant et excitant où on découvre au fil des pages les traditions et les coutumes d’ici et d’ailleurs aux prises avec les exigences de la modernité.
Viviane M. Peyou est une écrivaine accomplie. Ses mots nous dévorent comme les volcans endormis du Mont Mbapit qui surplombe Koumenke, sa terre natale. Sa plume généreuse affranchie, terrienne et fragile, toujours lumineuse, nous traverse. On la suit avec fascination dans ses descriptions où le lyrisme et sa verve de poétesse du silence nous enivre.
L’œuvre de Madame M.P.V est un lieu de trouble et de partage car elle nous rassemble et nous relie au plus précieux de l’indicible, à l’émotion et à une vie sublimée comme celle de Poùre, l’héroïne. Le monde de la création de l’autrice qui est celui du silence nous envahit, nous transperce et nous touche droit au cœur, sans heurt comme la lumière d’un sommeil couchant sur le rocher du diamant. Et cette symbolique est bien rendue à travers les fantasmes assouvis de Poùre qui se retrouvera à la NASA et plus tard sur une autre planète, Mars. Au départ le lecteur est inquiet : le projet sera-t-il réalisé ? Par la magie de l’écriture, l’autrice fait de l’inquiétude une amie, une présence essentielle qui impose sa force de complémentarité et d’équilibre sans laquelle toute harmonie n’aurait plus aucun goût, ni aucune raison d’être conquise.
Emmanuel MATATEYOU
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