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28.02.2019
L’infarctus du myocarde. Dr Euloge Yiagnigni Mfopou : »Très peu de personnes survivent à ce malaise
Administrateur directeur général de la Polyclinique «Les promoteurs de la bonne santé, le cardiologue recommande par ailleurs de lutter contre le stress et les fortes émotions pour éviter cette maladie.
Comment définissez-vous l’infarctus du myocarde ?
C’est la souffrance d’une partie du cœur suite à la diminution importante d’apport du sang. On a donc un déséquilibre entre les apports qui sont fortement diminues et les besoins qui sont pratiquement augmentés.
Quelle différence faites-vous entre infarctus du myocarde et la crise cardiaque ?
La crise cardiaque est une souffrance du cœur qui peut arriver soit parce que soit parce que le patient a un infarctus du myocarde, soit parce qu’il a un trouble important de rythme qui entraîne un dysfonctionnement aigu ou emballement, ou encore parce qu’il a une incapacite subite à assurer la fonction de pompe. L’infarctus du myocarde est l’une des entités de la crise cardiaque.
Qu’est-ce qui peut être à l’origine d’un infarctus du myocarde ?
Nous parlons beaucoup plus des facteurs qui génèrent l’infarctus du myocarde. Il y a les facteurs extracardiaques comme l’hypertension artérielle ; l’hypercholestérolémie (quand vous avez une augmentation importante du taux de cholestérol qui bouche les vaisseaux) ; les troubles de rythme cardiaque ; l’anémie (car, c’est le sang qui transporte les éléments comme l’oxygène) ; l’hypertension artérielle ; le stress, la déshydratation ; les troubles électrolytiques (les minéraux du sang) ; le tabac ; le diabète ; la prise des drogues et alcool etc. Nous avons aussi certaines affections cardiaques telles que les arythmies cardiaques : l’insuffisance cardiaque et les valvulopathies surtout la sténose ou rétrécissement aortique et mitrale réduisant considérablement l’éjection du sang du cœur. Bref, ces facteurs qui entraînent une diminution du débit de perfusion au niveau des artères et qui occasionnent la souffrance prolongée des cellules d’où l’infarctus du myocarde.
Dans des films très souvent on voit des gens faire des infarctus à cause d’une nouvelle à eux annoncée brusquement. La forte émotion peut-elle aussi causer ce malaise ?
Bien sûr que oui. Le stress, les fortes émotions, génèrent la production des catécholamines qui induisent le spasme des artères et quand ceci se prolonge nous avons une baisse de la perfusion de cellules myocardiques et donc l’infarctus. La prise du tabac, la prise exagérée d’alcool, le diabète, Tous ces facteurs peuvent d’une façon isolée ou intriquée l’infarctus du myocarde.
Venons-en aux manifestations.
L’infarctus du myocarde se ressent comme une douleur semblable à celle d’un coup de poignard, transfixiante (douleur violente), qui survient généralement au niveau de la loge cardiaque ; c’est une douleur qui n’est pas calmée par une position ou par la respiration. Elle ne sera calmée que s’il y a un traitement approprié. Cela s’exprime généralement par une douleur forte, constrictive dans la poitrine côté gauche et irradiant vers le cou et le bras gauche et qui donne l’impression d’une mort imminente avec difficulté à respirer. Le patient est agité, se sent étouffé, il a une hypersudation (il transpire beaucoup) et il faut agir sinon, la douleur ne s’arrête pas jusqu’à la mort.
Existe-t-il des signes prémonitoires à la survenue d’un infarctus ?
Avant d’arriver au stade d’infarctus, il y a ce qu’on appelle l’angine de poitrine Avant d’arriver au stade d’infarctus , il y a ce qu’on appelle l’angine de poitrine stable ou instable qui se traduit par des douleurs lors d’un effort physique comme une marche ou un rapport sexuel et qui disparaissent à l’arrêt de l’activité. Ces douleurs qui sont semblables à celle d’un infarctus sont activités dépendantes. Mais si rien n’est fait, à coup sûr, vous allez développer l’infarctus du myocarde si vous forcer l’activité.
À partir du moment où ces signes apparaissent, l’infarctus survient combien de temps après ?
Il est difficile d’évaluer mais, ce qui est sûr c’est que si le patient fait attention au facteur qui est à l’origine de l’angine de poitrine, l’infarctus du myocarde ne survient pas. Par contre, Par contre, si ce facteur n’est pas contrôlé et que le patient réalise intensément une activité, il développe imminemment l’infarctus. Bref, pour passer de l’angine de poitrine à l’infarctus du myocarde, il suffit que le malade amplifie le facteur à l’origine de l’angine.
Quelles en sont les complications ?
La première des choses à savoir c’est que très peu de personnes survivent à un infarctus du myocarde donc très souvent c’est la mort. Ceux qui sont chanceux et qui survivent peuvent développer d’autres complications comme l’insuffisance cardiaque ; d’autres peuvent s’en sortir avec des troubles de rythme ventriculaire que nous appelons par exemple fibrillation ventriculaire et autres. D’autres s’en sortiront avec une atteinte des valves surtout la valve mitrale parce que la structure qui soutient la valve a été nécrosée. Les autres auront une péricardite c’est-à-dire une inflammation du péricarde.
La paralysie peut-elle être aussi une complication de l’infarctus ?
C’est une complication à moyen terme et non à l’immédiat car, à l’immédiat, nous aurons une insuffisance cardiaque. Et comme la pompe cardiaque est affaiblie, les caillots de sang vont se former à court et moyen termes, puis migrer vers le cerveau pour créer un accident vasculaire cérébral (Avc).
Parlez-nous du diagnostic.
Quand le malade arrive à l’hôpital, les douleurs qu’il décrit peuvent faire penser à l’infarctus du myocarde. L’autre chose c’est que nous avons des tests rapides et sensibles comme le dosage de la troponine qui est une substance libérée par les cellules cardiaques en état de souffrance. Nous avons aussi à l’immédiat l’électrocardiogramme qui montre les modifications électriques sur des courbes normales de l’activité cardiaque. Avec ces deux éléments qui peuvent se faire en moins de 30 minutes, nous pouvons poser le diagnostic de l’infarctus du myocarde et passer rapidement au traitement. Nous avons enfin la coronarographie.
En quoi consiste ce traitement ?
Le traitement consiste à améliorer la perfusion, étant donne que nous avons un déséquilibre entre les apports qui sont diminués et les besoins qui augmentent. Sous d’autres cieux, il y a un autre examen dont bénéficient les malades à la phase aiguë. Il s’agit de la coronarographie. Elle permet de voir à quel niveau se trouve l’obstacle et à déboucher le vaisseau obstrué. Malheureusement, dans notre contexte, nous n’avons pas cette opportunité. Ce qu’on fait au Cameroun en ce moment-là, c’est administrer des fibrinolytiques pour pouvoir libérer la voie lorsqu’on pense que l’obstruction est due à un caillot de sang. Il y a toutefois un délai pour faire bénéficier à un patient une fibrinolyse dont le coût d’une injection varie de 400 000 Fcfa à 800 000 Fcfa. Ce délai est de moins de 6 heures de temps à partir du moment où le malaise s’installe. Apres avoir libéré les voies, on administre donc d’autres médicaments qui ont pour rôle de rendre le sang un peu plus fluide comme l’aspirine. On administre aussi certains médicaments comme les statines pour prévenir les plaques d’athérome ou de graisse au niveau des parois des artères. Par ailleurs, le malade va les prendre tout au long de sa vie.
Pourquoi la coronarographie n’existe-t-elle pas au Cameroun ?
C’est peut-être un problème de coût et je pense que ceux qui lisent cette interview peuvent prendre des dispositions pour qu’on ait un centre où on peut faire la coronarographie. Une salle coûte environ un milliards Fcfa. Est-il possible de guérir sans séquelles d’un infarctus ? Il est possible de s’en sortir sans séquelles lorsque la prise en charge est rapide et dans les délais.
Selon certaines estimations, cette maladie affecte environ 120 000 personnes en France chaque année. Quelle est la situation au Cameroun ?
Il est difficile d’avoir une idée réelle des chiffres parce que les Camerounais sous-estiment très souvent les douleurs, peut-être par ignorance, ce qui fait que nous recevons la plupart des patients plutôt avec les séquelles d’infarctus. Mais, si on se réfère aux données hospitalières, on peut estimer entre 2 et 3 % % de taux d’admission dans les services de médecine interne les patients ayant un infarctus du myocarde.
Comment peut-on se prémunir de cette maladie ?
Il faut éviter de s’exposer aux facteurs de risque cardio-vasculaires. C’est-à-dire éviter de fumer par exemple. Il faut se faire contrôler sa glycémie lorsqu’on est diabétique ; si vous êtes hypertendu (l’hypertension survient généralement chez les hommes à partir de 45 ans et dès la ménopause chez les femmes), il est question de surveiller sa tension artérielle et prendre le médicament. Il est aussi question de lutter contre le stress et les fortes émotions ; faire une activité physique régulière et éviter de consommer de la mauvaise graisse susceptible de créer des plaques au niveau des vaisseaux.
Par Guy Martial Tchinda
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